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Monday, July 30, 2012
PAYSAGE POLAIRE 1878
LA PANTHERE NOIRE 1862
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Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Une rose lueur s' épand par les nuées ;
L'horizon se dentelle, à l'est, d' un vif éclair ;
Et le collier nocturne, en perles dénouées,
S'égrène et tombe dans la mer.
Toute une part du ciel se vêt de molles flammes
Qu' il agrafe à son faîte étincelant et bleu.
Un pan traîne et rougit l' émeraude des lames
D' une pluie aux gouttes de feu.
Des bambous éveillés où le vent bat des ailes,
Des letchis au fruit pourpre et des cannelliers
Pétille la rosée en gerbes d' étincelles,
Montent des bruits frais, par milliers.
Et des monts et des bois, des fleurs, des hautes Mousses,
Dans l' air tiède et subtil, brusquement dilaté,
S' épanouit un flot d' odeurs fortes et douces,
Plein de fièvre et de volupté.
Par les sentiers perdus au creux des forêts Vierges
Où l' herbe épaisse fume au soleil du matin ;
Le long des cours d' eau vive encaissés dans leurs Berges,
Sous de verts arceaux de rotin ;
La reine de Java, la noire chasseresse,
Avec l' aube, revient au gîte où ses petits
Parmi les os luisants miaulent de détresse,
Les uns sous les autres blottis.
Inquiète, les yeux aigus comme des flèches,
Elle ondule, épiant l' ombre des rameaux lourds.
Quelques taches de sang, éparses, toutes fraîches,
Mouillent sa robe de velours.
Elle traîne après elle un reste de sa chasse,
Un quartier du beau cerf qu' elle a mangé la nuit ;
Et sur la mousse en fleur une effroyable trace
Rouge, et chaude encore, la suit.
Autour, les papillons et les fauves abeilles
Effleurent à l' envi son dos souple du vol ;
Les feuillages joyeux, de leurs mille corbeilles,
Sur ses pas parfument le sol.
Le python, du milieu d' un cactus écarlate,
Déroule son écaille, et, curieux témoin,
Par-dessus les buissons dressant sa tête plate,
La regarde passer de loin.
Sous la haute fougère elle glisse en silence,
Parmi les troncs moussus s' enfonce et disparaît.
Les bruits cessent, l' air brûle, et la lumière Immense
Endort le ciel et la forêt.
LES SPECTRES 1872
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LES MONTREURS 1862
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Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Tel qu' un morne animal, meurtri, plein de Poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d' été,
Promène qui voudra son coeur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !
Pour mettre un feu stérile en ton oeil hébété,
Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière,
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté.
Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussé-je m' engloutir pour l' éternité noire,
Je ne te vendrai pas mon ivresse ou mon mal,
Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées.
LE DERNIER SOUVENIR 1872
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Sacra Fames (La Faim Sacrée) 1884
![]() tu mangeras des hommes, Demain par l' homme aussi tu seras dévoré. |
Extrait Des Poèmes Tragiques
Par Leconte de Lisle
Sacra Fames (La Faim Sacrée) 1884
L' immense mer sommeille. Elle hausse et balance
Ses houles où le ciel met d' éclatants îlots.
Une nuit d' or emplit d' un magique silence
La merveilleuse horreur de l' espace et des flots.
Les deux gouffres ne font qu' un abîme sans borne
De tristesse, de paix et d' éblouissement,
Sanctuaire et tombeau, désert splendide et morne
Où des millions d' yeux regardent fixement.
Tels, le ciel magnifique et les eaux vénérables
Dorment dans la lumière et dans la majesté,
Comme si la rumeur des vivants misérables
N' avait troublé jamais leur rêve illimité.
Cependant, plein de faim dans sa peau flasque et rude,
Le sinistre rôdeur des steppes de la mer
Vient, va, tourne, et, flairant au loin la solitude,
Entre-bâille d' ennui ses mâchoires de fer.
Certes, il n' a souci de l' immensité bleue,
Des trois rois, du triangle ou du long scorpion
Qui tord dans l' infini sa flamboyante queue,
Ni de l' ourse qui plonge au clair septentrion.
Il ne sait que la chair qu' on broie et qu' on dépèce,
Et, toujours absorbé dans son désir sanglant,
Au fond des masses d' eau lourdes d' une ombre épaisse
Il laisse errer son oeil terne, impassible et lent.
Tout est vide et muet. Rien qui nage ou qui flotte,
Qui soit vivant ou mort, qu' il puisse entendre ou voir.
Il reste inerte, aveugle, et son grêle pilote
Se pose pour dormir sur son aileron noir.
Va, monstre ! Tu n' es pas autre que nous ne sommes,
Plus hideux, plus féroce, ou plus désespéré.
Console-toi ! Demain tu mangeras des hommes,
Demain par l' homme aussi tu seras dévoré.
La faim sacrée est un long meurtre légitime
Des profondeurs de l' ombre aux cieux resplendissants,
Et l' homme et le requin, égorgeur ou victime,
Devant ta face, ô mort, sont tous deux innocents.
Saturday, July 28, 2012
Contre les bûcherons de la forêt de Gastine
![]() que tu jettes à bas. . . |
Extrait Des Poésies choisies
Par Pierre De Ronsard
Ecoute, Bûcheron, arrête un peu le bras!
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas:
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force
Des Nymphes qui vivaient dessous la duré écorce?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer des Déesses?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers,
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d'été ne rompra la lumière,
Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc sa houlette,
Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette.
Tout deviendra muet; Echo sera sans voix;
Tu deviendras campagne et, en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue;
Tu perdras ton silence, et haletants d'effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre,
Où premier j'accordai les langues de ma lyre,
Où premier j'entendis les flèches résonner
D'Apollon, qui me vint tout le coeur étonner;
Où premier admirant la belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta
Et de son propre lait Euterpe m'allaita.
Adieu, vieille forêt, adieu têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlez en été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent vos meurtriers et leur disent injures.
Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premiers aux humains donnâtes à repaître!
Peuples vraiment ingrats, qui n'ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi nos pères nourriciers!
Que l'homme est malheureux qui au monde se fie!
O Dieux, que véritable est la Philosophie
Qui dit que toute chose à la fin périra
Et qu'en changeant de forme une autre vêtira;
De Tempé la vallée un jour sera montagne
Et la cime d'Athos une large campagne,
Neptune quelquefois de blé sera couvert;
La matière demeure, et la forme se perd.
XXXI
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La Couronne Effeuillée
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Le tombeau du conquérant
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El Desdichado
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Friday, July 27, 2012
La Mort Du Loup
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Voyelles
![]() rois blancs, frissons d'ombelles; |
Extrait De Poésies Oeuvres Completes
Par Arthur Rimbaud
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes:
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes;
U, cycles, vibrement divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges:
O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!
L'homme et la mer
![]() tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame. . . |
Extrait Des Fleurs Du Mal.
Par Charles Baudelaire
Homme libre, toujours, tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes,
O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
O lutteurs éternels, ô frères implacables !
Après trois ans
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L'Émigrant de Landor Road
![]() Regardaient la vitrine Les mannequins victimes Et passaient enchaînées |
Extrait D'Alcools
Par Guillaume Apollinaire
Le chapeau à la main il entra du pied droit
Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi
Ce commerçant venait de couper quelques têtes
De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête
La foule en tous sens remuait en mêlant
Des ombres sans amour qui se traînaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amérique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
-
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habillé de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'étant déshabillés
Battirent leurs habits puis les lui essayèrent
Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les années
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchaînées
Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés
Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon
Un tout petit bouquet flottant à l'aventure
Couvrit l'Océan d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa mémoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changées en poux
Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirène moderne sans époux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments

Thursday, July 26, 2012
Le ciel est devenu au soleil étoilé
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Soleils De Cire.
Par Bernard De l'Océan
I
Le ciel est devenu au soleil étoilé
L'ombre de t'admirer.
Sa lumière immobile en rêve de clarté
Souffre de conspirer,
II
Dans les écroulements des rêves de lumières
Les éblouissements
Du soir immensément qui s'ombre de matières
Constellées d'océans.
III
Sur l'immobilité de tout ce qui est sombre,
Ce soleil qui pareil
Au rire immensité, fait l'éternité d'ombre
D'un durable vermeil,
IV
Candeur dans la nuit blême au terme du savoir
Stellaire de soupir,
Conspire infiniment que le vent est vouloir
A l'instant de souffrir,
V
Ces candélabres bleus qui brillent dans l'automne
En veilles de pâleurs
Et que la brise berce immense et monotone
De liquides couleurs. . .
VI
Ils font cet archipel de cire qui s'inspire
D'un sublime soleil,
Qui brille étrangement dans tes regards que mire
Un grand soleil pareil.
Le soir qui vient de la rive, ?!
![]() |
Transfiguration.
Par Bernard De l'Océan
I
Le soir qui vient de la rive,
Qui dans ta clarté s'avive,
Reflète dans tes yeux,
Une lumière où se lève
L'absence étrange qui rêve
La lueur pâle des feux,
II
Que le sombre apte à frémir,
Elève immense soupir,
Quand tes regards sont pareils,
Aux étoiles luminescentes,
Qui s' élancent éblouissantes,
Dans la blancheur des soleils. . .
III
Le vent mobile de l'ombre,
Dans la lumière qui s'ombre
Soulève dans tes cheveux
D'eau constellés de lointaines
Lueurs qui se font sirènes,
Et tes regards dangereux.
Du fond de leurs clameur ?!
![]() Du fond de leurs clameur, soûles, tourbillonnantes, Les vagues à l'envi brassent le merveilleux. |
Devant La Mer.
Par Thierry Cabot
Editions ÉLP
Secoue au moins le vide insultant qui te borne
Avec l'oeil nébuleux d'une revêche nuit.
Ne goûte plus jusqu'à vomir le crachat morne
Du médiocre qu'étouffe une écharpe d'ennui.
Hume tes mots, sème ta voix, hisse tes rêves,
Décapite les murs flageolants à moitié,
Et fais encore en magicien des blondes grèves
S'élargir sous ta foi l'horizon tout entier.
Que peuvent les corbeaux que la vermine écrase ?
N'es-tu pas né pour vivre et plus noble et plus grand,
Né pour saisir et mordre au sel de toute phrase
Un peu du coeur naïf d'un soleil pénétrant ?
N'es-tu pas là, si fort et si plein de toi-même,
Si royalement jeune et constellé d'ardeurs,
Oui tellement chéri par l'immensité même
Qu'un enfant y boirait ses futures splendeurs ?
Le monde est vieux, bien sûr, mais l'aube n'a point d'âge.
Les jours sonnent, vêtus comme d'amples secrets.
Au-delà de tes mains, l'heure en vagabondage
Imprime à chaque élan on ne sait quoi de frais.
Le beau ciel presque nu teint les eaux rayonnantes.
La mer adamantine a des jeux orgueilleux.
Du fond de leurs clameur, soûles, tourbillonnantes,
Les vagues à l'envi brassent le merveilleux.
Vois trembler le matin à la musique neuve
Et vers l'azur égal sangloter les embruns,
Cueille le songe auquel ton infini s'abreuve
Quand, délice d'écume, il jaillit des flots bruns.
Oh ! combien il te faut de soifs à ta mesure,
Combien... combien tu veux, libre d'aucun soutien,
Ici toujours, malgré la haine et la brisure,
Déchirer l'habit sale où le vil te retient !
Sur les lames, regarde ! un vol blanc de mouettes
Embrasse l'or liquide au souffle bondissant ;
Car il n'est Miel dont maintes fois tu ne souhaites
Sentir à pleins poumons le goût bouleversant.
Plus loin, dans la ferveur capiteuse et la gloire,
Le vent large médite au seuil de l'éternel,
Et la lumière aiguë aux feux de sa mémoire
Rend le monde à son verbe immense et fraternel.
O rien ne dit assez l'éclat de ta naissance!
L'onde croule sans fin de chavirants échos.
En toi monte et s'agite une claire puissance
Mêlée à la chaleur des roulis amicaux.
Hymnes, fécondité, parfums d'avant déluge,
La mer lave les rocs ; l'air est délicieux.
Va d'une seule haleine y puiser un refuge,
Plein du sang de ton coeur ! plein du cri de tes yeux !
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